Il est un temps où les vœux deviennent un tantinet gênant. Redondant d'une habitude maniérée c'est à se demander si cette attention prenant la forme d'invectives à devenir une meilleur version de soi-même, ne s'essouffle pas d'elle-même. Le mois de janvier apparaît comme la répétition d'une routine révérencielle dont le sentiment intérieur général laisse transparaître une perte de saveur, celle de l'écho à nos manquements chroniques qui suivent. Alors plongeons dans l'immensité de cette perte de sens pour nous laisser traverser par une réflexion sur le temps qui passe…
UNE EMOTION
La peur est probablement l'émotion qui a façonné le plus l'être humain dans sa construction personnelle et relationnelle. Au fil de son évolution l'hominidé devenu sapiens s'est démuni progressivement de ses attributs de défenses physiques et instinctives. Conscient de sa fragilité devant l'immensité du vivant, le danger lui est apparu sans doute comme la voie à explorer pour palier à cette perte originelle. Il a saisi l'opportunité de ses puissantes réflexions pour rendre visible et tangible les remparts de son territoire matériel et corporel. Construire un ordre sociétal, baliser son environnement pour ne pas se perdre ni se rendre perdant fut alors son histoire pour se rassurer du sauvage qui lui est devenu étrangeté à domestiquer.
SE PROTEGER
Sur le fil tendu du savoir les protections des pays occidentaux se sont développées tout azimut et aujourd'hui elles sont omniprésentes, clôtures, firewall, médicalisation, protections sociales, arts de la guerre, sécurité nationale, armes, alarmes, stratégies…C'est une panacée de mesures de type feu d'artifice qui domine tous les domaines actifs de l'Homo-cravatus. Remplir, combler, ne pas être pris à défaut, soumettre ou se soumettre reste la trajectoire unilatérale de l'humanité dans sa consommation effrénée du monde. Sa détermination à se servir impunément du vivant le contraint à aspirer les ressources planétaires, minérales, végétales, animales et humaines pour assouvir l'appétence de la quête de son insatisfaction. Ne pas subir le manquement, remplir ce qui ne l'est pas et possiblement aller au delà, considérer le débordement comme une qualité, pour finalement constater que l'Homme refuse le vide. Si Aristote considérait que la nature a horreur du vide exigeant que tout espace soit rempli, nous pouvons remercier Galilée avec Torricelli et Pascal qui ont prouvé qu'il n'en était rien et permettre à la nature de sortir de cette horreur subjective. Mais cette idée reste tenace dans le langage courant et on peut se demander si elle ne sait pas ancrée dans une croyance tenant le vide comme espace à combler dans notre quotidien. Pourtant le vide...ce n'est pas rien, il fait parti du grand Cycle du vivant-messager. Ne serait-ce pas l'être humain qui ne supportant pas la nausée que le vide installerait chez lui se convainc de le remplir systématiquement dans un toujours plus…Confronté au vide l'Homme se retrouve face à lui même, trouve l'ennui et sa nature périssable. Et la peur me direz-vous ? tic tac, qu'en est-il ? tic tac, a-t-elle disparu, diminué ? …Une inspire suspensive du temps laisse apparaître un léger sourire tendu…Le regard se dépose, conjointement à une expire vacillante, sur un sol bien bas…Profondément enfoui dans l'immensité de ses limbes intérieures, l'être humain le sait ! La peur préside toujours à son fonctionnement.
AUTREMENT
Pouvait-il en être autrement ? Avec l'histoire d'une partie de l'humanité en miroir il semblerait que non…Certains décidant de la marche à suivre pour l'ensemble du groupe. Pouvions-nous faire différemment ? sans doute oui. Nous aurions pu imaginer apprivoiser le murmure sensible de la peur, écouter sa pulsion émergente sans vouloir la maîtriser, s'y confier sans volonté de s'en débarrasser, accepter cet état d'alerte sans désir de le résoudre, rééquilibrer le dialogue de la sensibilité et de la pensée, vivre avec elle non pas comme une épine à enlever mais comme un appel à la lucidité de ce qui est à traverser. Faire finalement partie du Cycle sans vouloir le manipuler...Ce n'est pas ce que notre ordre sociétale a choisi...Pour y échapper Sapiens se jette dans l'agitation chronique qui le détourne de sa responsabilité existentielle et de sa conscience de mortel. Aurait-il peur d'exister et de périr à un point que le divertissement dans le sens de ce qui le distrait de sa raison d'Être sur Terre serait le support préférentiel pour s'offrir l'illusion du vécu ?
Un Homme sans ses protections matérielles est aujourd'hui un vivant nu, troublé et trop pensant. Un Homme avec sa sensibilité à l'écoute sera demain un vivant nourri, ouvert et confiant.
L'ESPRIT SUR LE SENSIBLE
En faisant le choix de privilégier l'esprit sur la sensibilité, l'être humain ne se tient pas face à ses peurs mais au dessus, comme pour manifester avec une détermination quelque peu hautaine qu'elles ne sont en aucun cas un obstacle mais un tremplin l'amenant à optimiser sa vie. Aujourd'hui la peur semblerait ne plus être messager qui invite à modifier une trajectoire mais information troublante et déformée à oublier. L'être humain aurait peur de la peur, car elle pourrait l'évider de sa substance, le paralyser dans sa dynamique du consommable et de l'innovation. Il a donc eu besoin de créer un anesthésiant pour continuer à vivre, de s'imaginer un guide extérieur, autre que lui. Ne serait-ce pas le rôle de l'optimisation prétendue protectrice en toile de fond ? Toujours plus, toujours mieux. S'appliquer à améliorer une performance rend-elle meilleur ? d'un point de vue technique la réponse pencherait du coté du oui, mais qu'en est-il si nous la mettons en relation avec les vivants ? En se tenant au dessus...l'être humain ne peut ou ne veut en aucun cas rentrer en dialogue. Il souhaite simplement dominer artificiellement la peur, la faire taire ! Pour cela il se rassure en répétant inexorablement la technique de l'enfermement du visible. L'homme veut tout voir, tout éclairer, car ce qu'il voit est à maîtriser. Alors il décide d'ouvrir le champ visuel, trop souvent partial et partiel...Trouver des outils pour transpercer l'infiniment grand de l'espace et du petit moléculaire. Ce qu'il ne lui était pas accessible le devient progressivement en usant de son esprit malin et acéré. Se protéger fait partie de sa préoccupation première. Il se sent ainsi tout puissant dans sa conception...malheureusement parcellaire du Monde-univers. Oui parcellaire car s'imaginant dominer ses peurs en rendant apparent ce qui ne l'est pas, il décide subrepticement de faire l'impasse sur l'intelligibilité du sensible. Est-ce un besoin ? doit-il ou peut-il tout voir ? N'est-il pas prisonnier de sa propre vision avec son regard qui se force à voir ? Sa quête millénaire d'un savoir transgénérationnel ne lui a toujours pas permis d'intégrer que son passage sur Terre ne peut se résumer à muscler uniquement son cerveau. Il lui manquerait sa moitié, celle qui l'éveillerait à un devenir différent...se confier à sa sensibilité…
La sensibilité corporelle n'est pas effet subalterne de Monsieur l'esprit. Si le sensible amène nos sens à s'éveiller au monde, notre sensibilité les prolonge dans une diffusion éphémère de notre être par delà le Monde. Elle n'a pas besoin de voir, de décortiquer, de disséquer une image, un son ni de gouter une saveur. Traversant un vide, elle se diffuse pour se confier à un espace, en offrant au Subtil perçu la baguette intuitive directionnelle. Mais c'est qui ce Subtil ? pourquoi pas, le Vivant… et le vivant c'est quoi ? c'est le Mouvement qui fait que la Terre est à une exacte distance du soleil pour permettre à la vie de se déployer dans un vide, par exemple… Est-ce précieux de le savoir pour le comprendre ? l'Homme est-il construit ainsi, dans un besoin de recruter ses ondes cérébrales pour une compréhension scientifique du monde, mettant à nu tout ce qu'il rencontre ? Pourrions nous dire qu'il est né pour enlever la magie du vivant ? Ne pas savoir ne peut-il pas être la porte vers une autre forme d'intelligence ?
Le monde en présence n'est pas uniquement un espace-temps à penser, c'est également un passage trans-versant à écouter pour se sensibiliser à sa Présence.
Le savoir technique est certes une compétence utile dans une profession et pour la société humaine dans sa construction mais il peut également apparaître comme œillères et frein à l'agir autrement. Il a besoin d'une altérité qui l'équilibre dans sa trajectoire rectiligne…
A toutes celles et ceux qui prennent un temps pour lire…
.ff...
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