mercredi 19 mars 2025

Ce que nous avons perdu - Interlude printanier -

Devant un monde qui se délie de toute part, la conscience se laisse absorber par la banalité des évènements. Voir sans regarder, entendre sans écouter, goûter sans apprécier la diversité. Pouvons nous imaginer que la poésie soit le rempart à l’ignorance d’une civilisation urbanisant une cité sans sensibilité, creusant des frontières sans discernement. Que peut la poésie face au réchauffement, aux guerres, à l’extinction des espèces. Que peut la poésie face à l'ignorance, la violence, le mépris... 

...Cela fait plus de 50 ans que l’alerte est donnée sur le délitement de notre relation au Monde. Que valent le rapport Medows, le contrat naturel de Serres, le printemps silencieux de Rachel Carson ou la délicatesse des vers d’Emily Dickisson dans Hope is the thing with feathers. Les yeux s'enferment dans des supports médias pour se délecter de documentaires à connaître, des films anesthésiants, les doigts balayent les filtres avec une dextérité intenable. Ce n’est plus l’arbre qui cache la forêt mais l’écran noir qui dissimule la Nature. 

Ce que nous avons perdu est devant nous, c’est la poésie du Monde piétinée par notre impatience, notre cécité et notre amusie. 

La Poésie de la Nature impulse le vivant à se tenir debout. Tout est là, la Poésie, la Relation, la Terre. Qu'il pleuve, vente, réchauffe ou refroidisse, l'éveil printanier nous offre sa symphonie musicale, son concert qu'il a patiemment laissé infuser pendant l'hiver. Il nous appartient de nous rendre disponibles pour embrasser, étreindre, écouter, remplir son regard argentique, par les volutes d'un fruitier se déployant, le chant magique du rossignol philomèle ou les courses folles des écureuils cueilleurs.

Ce que nous avons perdu est devant nous,  c'est la poésie du Monde printanier  qui s'ouvre aujourd'hui à nos sens. 

Pouvons-nous imaginer qu’un jour la poésie soit le rempart à la banalité, celle du voir voilé, de l'écoute assourdissante et de la saveur artificialisée. Allons-nous continuer à construire sans éthique, à consommer sans retenue, à stériliser la Terre de ses ressources minérales ?

Ce que nous avons perdu est devant nous, c'est la poésie de la relation amoureuse à notre Terre. 

Traverser un ruisseau, s'allonger dans un champ de mousses forestières, sentir le vent chanter et jouer avec la pluie, respirer la fragilité des éléments pour trouver leur douce puissance à exister. Danser avec notre oiseau intérieur, marcher avec le souffle de notre âme, fermer les yeux et regarder ce que notre soleil éclaire autour de nous.

Ce que nous avons perdu est devant nous, c'est la poésie de l'éphémère ressource du vivant altruiste. 

Sachons l'écouter, la voir, la toucher pour nous tourner vers l'horizon d'une nouvelle relation humaine au Monde. 

Ce que nous avons perdu est devant nous, c'est la poésie enchanteresse des cœurs battants,

Vivre sans poésie c'est accepter de vivre sans respirer, 

Vivre sans poésie c'est marcher sans enracinement,

Vivre sans poésie c'est tourner le dos au sensible,

Vivre sans poésie c'est oublier de sourire,

Vivre sans poésie c'est accepter de mourir de son vivant,

Vivre sans poésie c'est ne pas se réveiller à l'émergence du printemps,

Vivre avec la poésie, c'est aimer les Vivants...




A toutes celles et ceux qui sont en chemin ou qui le cherche...

.ff...

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