Glisse, tourne, accélère, puis ralentit, dépose toi au sol, dans un ici où l'inspire est soutenue par des appuis-terre. Ecoute...cette suspension prend le temps de te nourrir du déplacement précédent...Saute, enroule, spirale, puis effleure les contours-horizons comme s'ils étaient aussi fragiles qu'une paupière entrouverte. Ressens...cette traversée sensitive, connecte l'espace dessiné qui se déverse autour...Accroche, allège, tressaille, puis perçois le sentiment frissonnant remonter le long de ta colonne-ciel. Regarde...cette danse-passage de l'éphémère éclairant venu d'ailleurs se laisse apprivoiser à travers un spontané intuitif... Contacter l’art du mouvement poétique ne se résume pas au seul enchaînement d’une gestuelle corporelle, aussi élégante soit-elle. Cette poésie des corps n’est en aucun cas un ornement esthétique qui se donne à voir pour émerveiller l’œil. Elle invite à la fois matière flexible et éther subtil, à traverser la lecture d’une écriture intuitive du déplacement.
Le mouvement physique apparent est corps argileux et corporalité où la présence visible, charnelle s'offre aux regards. Mais il contient en creux un autre mouvement, plus secret, celui de la corporéité : le corps vécu de l’intérieur, habité de sensations, de souffle et de mémoire - une articulation de l'avoir corps et de l'être corps.
Ensemble, ces trois corps entretiennent un dialogue resserré, à la fois complexe et simple dans leur promiscuité. Complexe, car cette tentative d'expression de l’unité de ces trois corps, n’est jamais acquise. Elle apparaît, disparaît, au gré de la disponibilité offerte par l’hôte humain pensant. Et simple, car le dialogue entre eux est là, dans une présence vibrante, disponible immédiatement. Alors prenons le temps d' imaginer que l'hôte se défasse de toute volonté de bien faire ou de contrôler... le mouvement dansé s’hydrate des nuances colorées du corps sensible. L’hôte passe ainsi de pensant à touchant. La traversée se déploie, une rencontre vivante nait autour d'un dialogue entre les corps poétiques.
Il suffirait d’un pas... d'un pas grand-chose pour…que cela se réalise.
Mais voilà que dans cet idéal pressenti, l’hôte pensant rencontre en chemin un ennemi contrariant : l'instant présent - régénérateur des corps. Il n'est plus le centre. Alors pour éviter ce cauchemar il prend ses distances, se déconnecte. Il enferme les corps partenaires dans une matière sèche ou glaiseuse - comme s’il fallait dominer, hiérarchiser un espace, modéliser un état sans vie.
Et oui, l'hôte tient à sa dénomination. Il décide d'être propriétaire des lieux. Il traverse l'espace corporelle comme on traverse une pièce. Il s'approprie les trois corps sensibles comme il le fait avec un objet ou une parcelle. Sa forte conviction le conduit à s'approprier le faire et l'être, l'avoir et le sensible. Il se projette dans l'optimisation d'un futur à concevoir - par la pensée uniquement. Et en faisant ce choix il se détache du corps, de la corporalité et de la corporéité - de sa propre sensibilité - pour se réfugier dans le mental du mieux faire.
Nous ne prenons plus le temps de l'écoute intime, la volonté de faire s'approprie violemment le ça et là en opacifiant cette conversation à trois. Idéaliser un état ou une situation tend à projeter l'hôte dans une optimisation d'un futur à concevoir qui se détache de la corporalité pour se réfugier dans le mental du comment faire mieux, solutionniste. L'hôte pensant artificialise alors par injonctions le mouvement des trois corps. Il dirige le corps matière et se laisse convaincre d'un parfait contrôle du corps sensible. Son esprit prend systématiquement les devants sur l'espace de l'essence originelle qui nous habite. Or l'hôte fait partie de ce grand Tout vivant qui contient le dialogue de la matière et de la non matière, du visible et de l'invisible, du yin et du yang. Il ne peut pas se déplacer dans son espace de vie sans se confier également au sensible l'entourant du dedans et du dehors. Il en va de sa propre santé, de la survie de la poésie et de sa traversée dans le Monde. Se priver de l'art poétique du mouvement, serait concevoir un monde sans Air, Eau, Feu et Terre...sans âme. Ce serait accepter une mécanique de vie sans le flux du vivant-racine. L'hôte doit accepter cette contrariété et délaisser quelques temps ses pensées idéalistes pour devenir le spectateur de l'artisan-artiste, de l'éphémère intuitif des trois corps.
Un hôte pensant vers un être touchant, touché ...
.ff...
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